Vieillissement cutané

Notions fonfamentales

Dans le corps humain il existe 2 types de cellules :

-post-mitotiques : nerf, SN, muscle, adipocytes

-mitotiques : cellules épithéliales et stromales, dont fait partie la peau

Les cellules mitotiques ne se divisent pas de façon indéfinie, au bout d’un certain nombre de divisions ils entrent en sénescence avec arrêt des multiplications. Au cours de la sénescence suite à des modification de son phénotype, la cellule arrête de croître, acquiert une résistance à la mort par apoptose et des fonctions de différenciation altérées.

On retrouve donc dans la peau de nombreux kératinocytes et fibroblastes altérés, les cellules sénescentes expriment de nombreux gènes avec des effets délétères comme une inflammation par des cytokines inflammatoires et en sécrétant des enzymes dégénératives qui vont compromettre la fonction et l’intégrité de la peau, ainsi qu’une augmentation des cancers de la peau

Hypothèses pour expliquer le vieillissement

Il existe 2 groupes de théories

La théorie des dommages extrinsèques ou intrinsèques des molécules intra-cellulaires ou extra-cellulaires. Dans ce groupe de théories ce serait des agressions qui vont entraîner une accumulation de cellules altérées et dysfonctionnelles qui vont finir par mourir

La deuxième théorie est celle de changements programmés dans l’expression des gènes par l’épigénétique. On trouve dans cette théorie un courant de pensée qui avance que les cellules mitotiques perdent leur capacité à se diviser ce qui entraîne la sénescence réplicative. Cependant cette théorie n’explique la raison du vieillissement des cellules post-mitotiques, ce qui nous amène à penser que le vieillissement serait dû à des changements génétiques programmés dans les cellules mitotiques et à des dommages dans les cellules post-mitotiques.

Le vieillissement des cellules mitotiques

Le vieillissement des cellules mitotiques est la résultante du fait que les cellules ne peuvent pas se diviser indéfiniment, ce fait a été décrit pour la première fois en 1965 par Hayflick, ces expériences ont été effectuées sur des cultures de cellules humaines, une fois un certain nombre de division effectuées la capacité des cellules à se reproduire, disparaît, on dit que la cellule entre en sénescence.

Seules des cellules ayant des mutations graves ou affectées par des virus oncogènes peuvent acquérir l’immortalité, ce sont les cellules cancéreuses.

Les cellules qui parviennent dans un état de sénescence ne peuvent plus se reproduire et cet état est irréversible, il s’agit d’un mécanisme protecteur contre le cancer, on constate que ces cellules sont aussi résistante à l’apoptose et ont tendance à s’accumuler dans la peau âgée entraînant aussi un dysfonctionnement de la peau et une baisse des défenses immunitaires ce qui paradoxalement entraîne une augmentation des cancers cutanés.

Mécanisme du vieillissement

Le nombre de divisions cellulaires avant qu’une cellule tombe en sénescence est de 60 à 80 chez l’humain, le régulateur de cette horloge est le télomère.

Le télomère se situe aux extrémités des chromosomes, chez l’homme il s’agit d’une séquence de bases TTAGGG, cette séquence a été bien décrite par Blackburn en 1991, son rôle est de prévenir les dysfonctionnements des chromosomes et en particulier les fusions et translocations, et maintenir ainsi la stabilité du génome. La télomérase est une enzyme qui va rajouter des télomères, qui est une séquence de bases non codante, à l’extrémité du chromosome après chaque division cellulaire (Blackburn en 1992), malheureusement cette enzyme n’est pas exprimée dans la plupart des cellules humaines exceptés dans les cellules embryonnaires et dans la plupart des cellules cancéreuses. Cependant la télomérase à elle seule n’est pas suffisante pour immortaliser des cellules voir études de Harley et Villeponteau en 1995.

En effet il existe des cellules qui expriment de la télomérase comme les lymphocytes T et les cellules souches épithéliales mais cela ne suffit pas à les immortaliser car la télomérase ne peut pas accéder aux télomères. Il existe d’autre part des cellules humaines tumorales immortelles qui n’expriment pas de télomérase (études de Bryan et Reddel en 1997)et utilisent une voie alternative pour maintenir l’intégrité de leurs télomères.

Donc le rajout de télomérase aux cellules ne suffit pas pour les immortaliser, ce qui va à l’encontre de beaucoup de laboratoires anti-aging qui proposent des traitements qui visent à augmenter la production de  télomérase par nos cellules ou même à modifier génétiquement nos cellules pour qu’elles produisent de la télomérase.

Génétique et sénescence

Plusieurs tentatives de fusion entre des cellules tumorales immortelles et des cellules humaines normales ont été tentées (voir expériences de Pereira-Smith et Smith en 1983), ces cellules hybrides ne sont pas devenues immortelles, et on a pu déduire de ces expériences que l’immortalité d’une cellulaire a un caractère récessif alors que le caractère sénescent est dominant.

D’après des expériences de Pereira-Smith et Smith en 1988, il existerait 3 chromosomes humains : le 1, le 4 et le 7 qui induisent la sénescence, les gènes précis n’ont pas été encore clonés.

La sénescence va entraîner une répression de gènes régulateurs de la croissance cellulaire. Parmi ces gènes on trouve : c-fos proto-oncogene (Seshadri and Campisi, 1990), helix-loop-helix Id-l et Id-2 genes (Hara et col., 1994), et E2F-1 (Diroti et col., 1994) et E2F-5 (Good et col, 1996) ce sont des composants du E2F transcription factor.

Simultanément les cellules humaines sénescentes vont sur-exprimer des inhibiteur de la croissance cellulaire comme le p21 et le p16 (Noda et col. En 1994 ; Hara et col. En 1996)

Caractéristiques des cellules sénescentes

-Les cellules sénescentes arrêtent de se multiplier

-Les cellules sénescentes deviennent résistantes à l’apoptose ou mort cellulaire ce qui explique leur accumulation.

-Les cellules sénescentes ont des modifications dans leur différenciation et peuvent en particulier sur-exprimer des cytokines inflammatoires interleukines 1-alfa (Maier et col. 1990) entraînant le phénomène d’ « inflammaging » qui accompagne le vieillissement des humains.

D’autres molécules qui sont sont trop sécrétées par des cellules sénescentes sont :

Collagénase, élastase, stromélysine, thrombospondine, héréguline, Erb-B récepteur ligand, epidermal growth factor-like repeat protein, plasminogène activateur inhibiteur(prothrombotique).

Les fibroblastes sénescents du derme vont ainsi sécréter de la collagénase et de la stromélysine qui sont des métalloprotéases qui vont dégrader les protéines de la matrice extracellulaire de la peau ce qui se traduit par une désorganisation et une réduction du collagène de la peau. Ceci explique pourquoi la sénescence réplicative des fibroblastes de la peau entraîne une atrophie du derme (référence : Dimri et col. En 1995)

Conclusion

L’étude des différents mécanismes du vieillissement cutané nous fait comprendre les effets délétères des cellules sénescentes sur l’ensemble de la peau. En effet le sécrétion de cytokines, d’enzymes et autres molécules vont contribuer à désorganiser et détruire la structure normale de la peau entraînant des dysfonctionnements cutanés.

Plus grand sera le nombre de fibroblastes et de kératinocytes sénescents et plus cela va altérer la structure et favoriser le dysfonctionnement de la peau.

La compréhension de tous ces mécanismes nous permet d’élaborer une stratégie anti-age pour la santé de notre peau, qui doit viser avant tout à la destruction des cellules sénescentes, par des traitements dits sénolytiques.

Dans le cadre de la médecine régénérative la priorité doit être de d’abord détruire les cellules sénescentes par des traitements sénolytiques adaptés. C’est seulement après que notre corps peut mettre en route les mécanismes régénérants naturels de notre corps.

Article rédigé par le Docteur Bertrand Ducroux, médecin esthétique et anti-age

REFERENCES

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